Coup de gueule!

Publié le par Quetzal

" Mettez-vous aussi à ma place. Je dois répondre à l'interrogation des familles des victimes que je reçois. Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière afin d'empêcher un éventuel passage à l'acte. Et vous savez fort bien [...] que des patients dont l'état s'est stabilisé pendant un certain temps peuvent soudainement devenir dangereux. "


Nicolas Sarkozy, Discours du 2 décembre 2008.

Ce discours a été prononcé suite au meurtre d'un jeune homme, le 12 novembre dernier, par un patient schizophrène suivi au centre hospitalier de Saint-Egrève en Isère. Ce discours n’a qu’un unique but : créer un climat de peur. De deux façons, par le caractère exclusivement sécuritaire, voire carcéral, des mesures proposées, et par l’image que Mr le Président donne des personnes atteintes de souffrances psychiques : celle de criminels potentiels, dont il faudrait avant tout protéger la société.

 

Des locaux de qualité, des professionnels bien formés et assez nombreux : voilà ce qui apaise la majorité des tensions. Cependant, aujourd’hui, force est de constater le manque de lit et le sous-effectif infirmier. Tous les soignants s’accordent sur le fait que c’est avant tout le manque de moyens humains qui génère la dangerosité.

 

Parmi les propositions faites dans ce discours, on peut relever :

- l’aménagement de 200 chambres d’isolement ;

- l’installation d’une unité fermée « dans chaque établissement qui le nécessite » ;

- le contrôle renforcé des sorties ;

- le port, « par certains patients », d’un bracelet électronique pour contrôler leurs déplacements.

 

En ce qui concerne l’installation d’unité fermée dans les « établissements le nécessitant », le terme « le nécessitant » n’est-il pas la porte ouverte à une création systématique d’unité fermée dans chaque service ? Sur quels critères sera jugée la nécessité d’une unité fermée ?

 

De plus, la majorité des patients hospitalisés d’office, c'est-à-dire suite à une décision juridique prise par le préfet, souffrent d’un délire de persécutions ; ne pensez-vous pas que la mise d’un bracelet électronique autour de leur poignet ou de leur cheville empirerait ce délire de persécutions et engendrerait une augmentation de l’agressivité ? Cette mesure est la preuve évidente d’une immense méconnaissance de la maladie psychique.

 

La seule mesure dont on peut se satisfaire est la création de quatre unités pour malades difficiles (UMD) de quarante places. Les UMD sont en effet l’ultime recours dans la gestion de la crise, quand même la chambre d’isolement ne suffisent pas à assurer la sécurité du patient, de l’équipe soignante et des autres patients. Hors le nombre de places dans ces structures a été réduite ces dernières années, on peut donc se féliciter de cette décision.

 

Cependant, ce discours est à stigmatiser. En effet, Mr Sarkozy mentionne le chiffre de 13% de patients hospitalisés d’office en psychiatrie. Hors ce chiffre n’est pas de 13% mais de 2%. Pourquoi gonfler ce chiffre, quand on sait que l’hospitalisation d’office est prononcée à l’encontre des personnes compromettant l’ordre public et la sécurité des personnes ? De plus, faut-il rappeler que les personnes souffrant de troubles psychiatriques ne sont à l’origine que de 2% des crimes commis en France.

 

Et enfin, pour terminer, une dernière question sur laquelle réfléchir : Monsieur Sarkozy veut protéger la société des personnes souffrant de maladie psychique, mais quelles mesures est-il prêt à mettre en place pour protéger ces personnes ? En effet, ce qu’il n’a pas jugé nécessaire de mentionner les quelques chiffres suivants : la prévalence des crimes envers elles est 11,8 fois supérieur à qu’envers l’ensemble de la population, et la prévalence des vols et des spoliations 140 fois.

 

« Ces personnes ont en majorité besoin d’être soignées, protégées, mais pas enfermées. »

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